Adapter l’accompagnement au parcours de vie des personnes en situation de handicap

Publié le : 04 avril 2016-Mis à jour le : 21 juillet 2017

Retour sur la recherche-action « Adapter l’accompagnement au parcours de vie des personnes en situation de handicap » portée par la Fédération générale des PEP et réalisée par des chercheurs des Universités de Caen-Normandie et de Rouen. Entretien avec Sébastien Gatineau, chef de projet du domaine social et médico-social à la FGPEP et Typhaine Mahé, chargée de mission à la CNSA.

La recherche-action a consisté à analyser la manière dont se coordonnent les interventions professionnelles (médico-sociale, scolaire, éducative et sociale) dans le parcours de 58 jeunes de 10 à 16 ans en situation de handicap, scolarisés en milieu ordinaire, en classe spécialisée ou en établissement médico-social.

Elle s’interroge à la fois sur les modes d’organisation efficients entre acteurs pour déployer des réponses adaptées aux attentes et aux besoins des personnes et sur les facteurs qui favorisent la continuité des parcours de vie.
La recherche-action met en avant « le triangle de la coordination des parcours » : un jeu d’équilibre entre les trois pôles différents, celui de l’institution, celui des professionnels et celui du jeune et de sa famille, qui convergent vers un objectif commun : l’accompagnement du parcours du jeune.

Pourquoi la CNSA a-t-elle soutenu le projet ?

Typhaine Mahé : Plusieurs raisons ont conduit la CNSA à financer ce projet.
En 2012, le Conseil de la CNSA a émis 13 recommandations pour « promouvoir la continuité du parcours de vie ». Les résultats de la recherche-action étaient susceptibles de proposer des réponses aux enjeux identifiés par le Conseil.
Par ailleurs, le sujet de la coordination des parcours pouvait venir alimenter les réflexions de la CNSA sur la gestion des « situations critiques ». Entre temps, le rapport « zéro sans solution » de Denis Piveteau a mis la coopération entre professionnels au cœur des enjeux permettant d’éviter les ruptures de parcours.

Quels sont les principaux enseignements de cette recherche action ?

Sébastien Gatineau : La recherche nous renseigne sur les différents niveaux de coordination et les activités nécessaires pour l’accompagnement des jeunes. Dans la plupart des situations, les professionnels des établissements et services mobilisent des compétences extérieures (scolaire, culturelle, …) éloignées de leurs propres compétences pour adapter l’accompagnement. Ce n’est pas nouveau, mais on constate que les frontières s’estompent entre les champs de compétences.

La recherche met aussi en avant le lien existant entre la nature des troubles du jeune et l’importance de l’activité de coordination, notamment pour les situations les plus complexes qui nécessitent ce que l’on pourrait appeler un coordinateur de parcours.

Lors de leurs échanges avec les professionnels, les chercheurs ont identifié un certain nombre d’obstacles à la coordination. Ils citent par exemple, le manque d’information et de connaissance mutuelle, le manque d’accompagnement et de formation à la collaboration ou l’absence d’objectifs partagés.

On oppose souvent le savoir profane (celui des familles) au savoir expert (celui des professionnels). La recherche nous éclaire sur l’activité de coordination réalisée par les parents de jeunes en situation de handicap. Selon le capital social, économique ou culturel, le pouvoir d’agir de la famille est différent. Certaines familles sont très impliquées dans le suivi de l’articulation des différents accompagnements (surtout s’ils sont réalisés en ambulatoire ou en libéral), d’autres font confiance aux professionnels de l’établissement, d’autres sont partiellement dépossédées de leur exercice parental par manque de temps ou n’ont pas le bagage nécessaire pour coordonner le parcours.

Enfin, et c’est sans doute l’enseignement qui nous ouvre le plus de perspectives de travail, les chercheurs ont modélisé un processus de coordination idéal. Il repose sur trois pôles (pôle des professionnels, pôle institutionnel et pôle des usagers) qui agissent au bénéfice du parcours de vie du jeune. Le parcours de vie se trouve donc au centre des trois pôles et ses modalités varient en fonction de l’implication de chacun de ces derniers. (Le schéma ci-dessous représente le triangle de la coordination des parcours et ses trois pôles : celui des usagers, le pôle institutionnel et celui des professionnels).

Quelle utilisation la FGPEP va-t-elle faire de cette recherche-action ?

Sébastien Gatineau : Nous allons commencer par réunir le comité de pilotage du projet, en avril ou en mai, pour discuter des suites à donner.
Dans un premier temps, il me semble indispensable de capitaliser ce qui se pratique déjà en matière de recherches, expérimentations et actions en lien avec la coordination des parcours, de faire un état des lieux. Pour ce comité de pilotage, nous inviterons notamment des organisations qui placent la famille comme acteur de la coordination de parcours, ainsi que  des professionnels qui ont réfléchi sur la définition de la fonction de coordonnateur, qui organisent des formations croisées ou travaillent avec des documents communs… Nous souhaitons créer une synergie entre les initiatives multiples qui émergent à différents niveaux (formations croisées, formation de coordonnateur de parcours, recherches…).
Nous devrons accompagner les familles dans leur rôle d’acteur et faire évoluer la place de la famille dans la gouvernance de nos associations. N’oublions pas que l’un des objectifs des PEP est de « favoriser l’accès au droit commun et l’émancipation des citoyens ».
Par ailleurs l’un des chantiers consistera à définir les indicateurs permettant de mesurer, à travers le degré de coopération des différents acteurs, l’attente d’un équilibre dans la coordination des parcours. Ce qui pourrait constituer l’objet d’une poursuite de recherche.

Quelles suites pour la CNSA ?
Typhaine Mahé : Les résultats sont utilisés par les équipes de la CNSA qui appuient les MDPH dans leurs pratiques et missions d’évaluation , d’élaboration de réponses et de suivi des orientations. L’évaluation des situations de handicap, comme le suivi des orientations, impliquent un travail partenarial et l’échange d’informations entre les équipes des MDPH et leurs partenaires (Education nationale, services publics de l’emploi, établissements médico-sociaux, professionnels libéraux…). Les résultats de la recherche-action confortent la direction prise par la CNSA qui promeut la co-construction partenariale, la démarche de coopération, dite de GEVA-compatibilité... Ils encouragent à aller au-delà, vers une coopération engageant les acteurs à partager les responsabilités.

La direction scientifique de cette recherche-action a été confiée à Philippe Mazereau CERSE (E.A. 965) Université de Caen-
Normandie, Nicolas Guirimand CIVIIC (E.A. 2657) Université de Rouen par la FGPEP.

 

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