Les protections de la personne « à demi capable »

Publié le : 13 avril 2011-Mis à jour le : 20 août 2019

Le Code civil, présumant que tout adulte est capable de décider et d’agir par lui-même, reconnaît à tout citoyen une autonomie. Lorsqu’une personne n’est pas capable de pourvoir par elle-même à ses besoins et à ses intérêts, le juge des tutelles peut défaire partiellement son autonomie, la scindant entre la capacité réduite d’agir de la personne et un pouvoir de protection octroyé à un tiers. Dans cette recherche, la personne est dite « à demi capable », expression qui, tout en restant proche du droit tutélaire, renvoie à la dimension anthropologique de la capacité et de la vulnérabilité. L’observation de l’activité professionnelle de protection permet de saisir comment s’articule la reconnaissance de l’autonomie et la prise en compte de la vulnérabilité des personnes.
La recherche examine si ce statut civil spécifique est acceptable, aussi bien pour les personnes elles-mêmes que socialement, ou si la stigmatisation et la réduction de liberté qu’il engendre en font une pratique intolérable.
La recherche est fondée sur une enquête anthropologique de cinq ans auprès de personnes protégées, de leurs proches et de professionnels. Sa richesse tient beaucoup à l’approche monographique développée, qui croise les points de vue et les pratiques des différents acteurs à des échelles temporelles variées de la vie des personnes protégées (actes concrets, décisions affectives ou professionnelles, parcours de vie) et qui combine l’analyse de données quantifiées et l’interprétation d’observations ethnographiques.
L’analyse des différentes dimensions des actes protégés, dont la responsabilité est partagée entre la personne et le professionnel mandaté pour la protéger, conduit à dégager trois conditions de l’autonomie personnelle : la possibilité d’avoir des projets et l’argent pour les accomplir, la possibilité d’une certaine déprise sur sa vie en s’exposant à une réponse apportée par autrui à des besoins et, troisième condition, l’effectivité du droit, qui assigne la personne à une certaine place, mais lui offre des recours.
À l’issue de ce travail, le chercheur voit un moindre mal dans la capacité civile judiciairement protégée et défend une approche socio-civile de l’autonomie dans l’analyse des « politiques de la vulnérabilité » (psychiatrie, protection sociale, action sociale, handicap).

À propos du laboratoire

Le laboratoire de sociologie généraliste, le centre Max Weber (nouvelle fenêtre), regroupe la plupart des sociologues du site de Lyon/Saint-Etienne. Il est rattaché institutionnellement à quatre tutelles : le CNRS, l’École normale supérieure de Lyon, l’université Jean Monnet Saint-Etienne et l’université Lumière Lyon 2. Il est membre de la maison des sciences de l’Homme Lyon Saint-Etienne.
En reprenant le nom d’un grand fondateur de la sociologie, qui marque aujourd’hui encore les sociologies contemporaines les plus diverses par ses travaux de sociologue et d’épistémologue des sciences sociales, les membres du centre Max Weber indiquent leur attachement à un pluralisme théorique, méthodologique et épistémologique.
Dans une société réflexive, dont de nombreuses activités semblent de plus en plus tournées vers l’internationalisation, la question des savoirs et des connaissances ne prend pas seulement une dimension stratégique dans la compétition entre entités économiques, sociales et politiques : elle devient un enjeu majeur des formes plus ou moins nouvelles de citoyenneté et d’appropriation du politique. Des formes nouvelles d’institutionnalisation et de reconnaissance des savoirs apparaissent, qui imposent un autre modèle d’appropriation de ce qui relève du bien commun. Dans ce cadre, les corpus de savoirs (académiques comme profanes) ne doivent pas être considérés comme des « boîtes noires » isolées des enjeux sociaux, mais au contraire comme autant de prises de position sur le monde et dans le monde.

Contact

Benoît Eyraud, sociologue, maître de conférences
Chercheur associé au centre Max Weber
Université Lyon-2
Courriel : benoit.eyraud@ish-lyon.cnrs.fr

Référence du projet : 094
Appel à projets Handicap et perte d’autonomie – 2010 (DREES)
Titre : Les protections de la personne à demi capable – Suivi ethnographique d’une autonomie scindée (B. Eyraud).

Documents à télécharger

Fiche de résultat de recherche : Les protections de la personne « à demi capable » (PDF, 200.45 Ko)

Ailleurs sur le web

Thèse Les protections de la personne à demi capable. Suivis ethnographiques d'une autonomie (pdf, 6 Mo) scindée
Retour en haut