Écrire et dessiner avec le regard

Publié le : 01 novembre 2014-Mis à jour le : 24 avril 2020

Largement utilisée dans la vie de tous les jours pour suivre un objet en mouvement (comme un oiseau en vol), la capacité de poursuite de nos yeux est ici utilisée afin de tracer des lettres, de dessiner ou même de produire des sons. Conceptuellement, cette approche est basée sur une illusion de mouvement qui fait croire à l’individu qu’une image se déplace sur un écran alors que celui-ci est fixe et que c’est l’œil qui est en mouvement. Les mouvements oculaires sont captés par une caméra connectée à un ordinateur qui calcule la position de l’œil au cours du temps et restitue des lettres, un dessin ou encore des sons générés par l’utilisateur. L’utilisation de ce nouveau canal de communication nécessite un apprentissage pour contrôler les mouvements oculaires, un peu comme un surfeur doit apprendre à maîtriser les vagues et le surf.

Les résultats d’une étude de faisabilité réalisée auprès de patients atteints de sclérose latérale amyotrophique (SLA) et de volontaires sains montrent qu’après 5 séances d’entraînement les patients peuvent apprendre à écrire des chiffres et des lettres avec le mouvement des yeux. Le niveau de réussite de ces patients est similaire à celui de sujets sains, mais on observe une très grande variabilité interindividuelle qui semble indépendante de la pathologie, de l’âge ou d’autres facteurs psychosociaux.

Afin de faciliter l’emploi de cette technologie, plusieurs pistes d’améliorations ont été testées :

  • la possibilité de faire ressentir à l’individu la vitesse de mouvements de ses yeux à travers un signal sonore couplé aux mouvements des yeux (on parle de « sonification ») a été testée. Elle peut conduire à des améliorations notables chez certaines personnes, mais aussi parfois inversement à une dégradation des performances. Dans tous les cas, il existe là aussi une très grande variabilité des résultats entre les individus sans que celle-ci soit explicable et donc prévisible ;
  • la qualité de l’expression liée à la reconnaissance des caractères « dessinés » a été explorée à travers deux approches complémentaires : un modèle informatique de reconnaissance automatique des lettres et la mise au point d’un alphabet adapté à l’usage dans le cadre de « l’oculoscription ».

Par ailleurs, des travaux ont permis d’optimiser les paramètres physiques à la base de l’illusion visuelle ? et des développements logiciels et technologiques ont permis d’ajouter des fonctionnalités (commande d’un objet, accès à un alphabet préformaté…).

Quelques années plus tard

Le système est fonctionnel, mais il n’a pas atteint le stade de la commercialisation. La difficulté majeure qui fait obstacle à une diffusion et à une appropriation plus large n’est pas technologique, mais est liée aux capacités oculomotrices qui sont différentes entre les individus. Les recherches en cours visent donc à déterminer l’origine de ces différences interindividuelles, peu comprises aujourd’hui. Ces recherches pourront ouvrir des perspectives nouvelles pour l’apprentissage du contrôle oculomoteur (au cours de l’enfance), la remédiation dans certaines pathologies (dyslexie, apraxie, troubles attentionnels…), autant que pour la détection de certaines pathologies oculaires (glaucome, DMLA...), neurologiques (sclérose en plaque, Parkinson...) ou psychiatriques (schizophrénie, par exemple).

Pour plus d’information sur ce projet

Publications liées au projet

  • LORENCEAU J. « Cursive writing with smooth pursuit eye movements », Current Biology, 22, 2012, p. 1506-1509.
  • DIARD J., RYNIK V., LORENCEAU J. « A Bayesian computational model for online character recognition and disability assessment during cursive eye writing », Frontiers in Psychology, 4, 2013.
  • BOYER E.-O., PORTRON A., BEVILACQUA F., et al. « Continuous Auditory Feedback of Eye Movements: An Exploratory Study toward Improving Oculomotor Control », Frontiers in Neuroscience, 11, 2017.
  • PORTRON A., LORENCEAU, J. « Sustained smooth pursuit eye movements with eye-induced reverse-phi motion », Journal of vision, 17(1), 2017, 5-5.
  • CHANCEAUX M., RYNIK V., LORENCEAU J., et al. « Writer recognition in cursive eye writing: a Bayesian model », in 36th Annual Conference of the Cognitive Science Society, 2014.
  • LENGLET T., VEYRAT-MASSON M., MIRAULT J., et al. « Cursive eye-writing with eye on line device (eol) is feasible in subjects with Als: a pilot study », European Journal of Neurology, 23, 2016, 461.

À propos du laboratoire

Jean Lorenceau travaille au sein de l’Institut de la vision (UPMC-INSERM-CNRS), un centre de recherche de dimension internationale entièrement dédié à la recherche sur les maladies de l’œil.

Situé au cœur de Paris dans le 12ème arrondissement, il réunit sur un même site chercheurs, médecins et industriels mobilisés pour découvrir des traitements innovants contre les maladies oculaires et améliorer la qualité de vie des personnes malvoyantes.

Contacts

Pr Jean LORENCEAU
Directeur de recherche au CNRS
01 44 32 27 91
Courriel : jean.lorenceau@upmc.fr

Dr Lucette LACOMBLEZ
Coordinatrice du projet
01 42 16 24 72
Courriel : lucette.lacomblez@psl.aphp.fr

Référence du projet : ANR-12-TECS-0009/CNSA-173
Agence nationale de la recherche (ANR) – Appel à projets 2012 – Programme Technologies pour la santé et l’autonomie
Titre : Eye On-Line : Poursuite dirigée pour écrire avec le regard (EOL).

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