Les difficultés de l’inclusion scolaire pour les enseignants

L’inclusion progresse dans les classes ordinaires du premier et du second degré et, dans une moindre mesure, dans les dispositifs spécialisés des écoles ordinaires (ULIS) du second degré. L’augmentation s’explique surtout par un nombre croissant d’élèves déjà scolarisés dans les écoles ordinaires, reconnus a posteriori comme ayant des besoins particuliers et entrés dans le dispositif après que leurs difficultés ont fait l’objet d’un diagnostic médical. Le nombre d’élèves accueillis dans les établissements spécialisés reste stable. Ces chiffres montrent avant tout que les élèves reconnus en situation de handicap sont de plus en plus nombreux.

Une enquête réalisée en 2016 auprès d’une cohorte de familles d’enfants bénéficiaires d’un projet personnalisé de scolarisation (PPS) a montré que, d’après les familles, les élèves sont plus nombreux à « se sentir très bien à l’école » quand ils sont scolarisés dans une institution ou un dispositif spécialisé. Quand ils sont dans une classe ordinaire, la présence de l’auxiliaire de vie scolaire (AVS) semble isoler l’élève de ces camarades.

Les enseignants spécialisés sont confrontés à la résistance de leurs collègues à inclure leurs élèves dans leur classe déjà bien difficile à « tenir ». Les vocations ne manquent pas, mais l’idéal qui les motive semble bien souvent déçu, suscitant désarroi et sentiment d’abandon. D’une manière générale, les enseignants impliqués au quotidien dans la pratique de l’inclusion n’ont pas d’espace dédié pour développer collectivement, partager et transmettre leur expérience et leur pratique. Ils se sentent isolés.
La relation des enseignants aux professionnels du soin est également problématique. Ces derniers viennent dans l’école, mais les enseignants ne sont pas conviés à pénétrer dans le centre de soins en raison du secret médical. Les informations sont unilatérales ou distillées au compte-gouttes. Cette situation est souvent mal vécue par les enseignants de l’école.

Le dispositif de scolarisation des élèves en situation de handicap tel qu’il est en mis en œuvre aujourd’hui génère de l’insécurité, voire certaines formes de violence, pour les élèves comme pour les enseignants. Si l’intention est légitime, l’inclusion à marche forcée, sous le régime du droit, dans un environnement insuffisamment préparé a privé les acteurs des protections qui existaient dans l’entre-soi des anciennes classes spécialisées. La question se pose de construire de nouveaux espaces à la fois protecteurs et émancipateurs où les différents acteurs trouveront, en cas de besoin, les ressources nécessaires pour évoluer avec aisance et sérénité dans un quotidien scolaire parfois rude.

Pour plus d’information sur ce projet

• VILLE I. « Les défis de l’école inclusive : ethnographie d’un dispositif complexe ». Inclure le handicap, recomposer l’école ? ENS de Lyon, « Entretiens Ferdinand Buisson », 2018.
• VILLE I. « Les défis de l’école inclusive en France ». Colloque « Regards croisés sur le handicap en contexte francophone », 12-15 juin 2018, université de Saint-Boniface, Manitoba, Canada, (actes à paraître).
• Colloque « Regards croisés sur le handicap en contexte francophone » – introduction, conclusion.

À propos du laboratoire

Centre d’étude des mouvements sociaux (CRS-EHESS FRE2023 – INSERM U1276)
Les chercheurs du CEMS interrogent la démocratie entendue comme système de gouvernement, de lois et d’institutions, mais aussi comme forme de vie collective, selon quatre dimensions : 1/ Vivre, participer, expérimenter ; 2/ Problématiser, publiciser, médiatiser ; 3/ Se mobiliser, protester, revendiquer ; 4/ Évaluer, gouverner, instituer.

Le programme Handicap & Sociétés de l’EHESS est un espace ouvert de rencontre entre disciplines, objets, chercheurs en SHS et acteurs de la société civile, qui contribue à structurer la recherche et la formation dans ce champ et à en accroître la visibilité nationale et internationale.

Contact

Isabelle Ville, directrice de recherche
INSERM – EHESS
Courriel : Isabelle.ville@ehess.fr