L’aide à domicile ou comment concilier aide et autonomie

Publié le : 26 février 2012-Mis à jour le : 21 août 2019

Les aides à domicile visent à assurer le bien-être des personnes en apportant soins et assistance. Mais ce souci ne suffit pas à caractériser leur activité : à chaque instant, elles doivent composer entre des aspirations contradictoires, comme la protection et l’autonomie, et assumer des prises de risque. Les chercheurs n’opposent pas l’activité réelle de ces aides à des principes abstraits, mais font au contraire l’hypothèse que ce sont leurs pratiques qui peu à peu, à partir de situations d’épreuve, donnent un sens concret à ces notions. Ils montrent que leur mise en œuvre est possible.

Selon une méthode ethnographique, les chercheurs ont suivi 13 cas, entre 6 et 18 mois, choisis dans trois services d’aide à domicile contrastés, en mettant l’accent sur les moments d’épreuve, qui montrent les compromis obligés de l’action en situation : problèmes d’hygiène, de médicaments, de clés, risque de chute, décision de placement, relation à la famille... La collection de ces 13 récits figure dans le rapport final.

Comment faire faire quelque chose à des personnes qui ne l’ont pas demandé ou n’en voient pas l’intérêt ? À condition d’en restituer aussi la valeur positive, deux notions ambiguës, la ruse et la fiction, aident à mieux comprendre dans sa complexité l’expérience du domicile et les compétences du personnel et des proches, au-delà des normes professionnelles et de l’engagement personnel. La ruse, entendue au sens d’une recherche en situation du moyen le moins coûteux pour tous d’obtenir quelque chose, peut toujours verser dans l’abus et suppose une vigilance individuelle et collective : l’attention qu’elle requiert n’en est pas moins le gage d’une meilleure économie de la relation.

L’aide passe aussi par une nécessaire mise en scène, de soi, de la relation et de la situation (manifester de l’entrain, son intérêt pour la personne...) ; pour cela, elle sait user quand il le faut de petits mensonges. Mais ce recours à la fiction va bien au-delà de cet aspect tactique. La fiction est le puissant outil qui, jour après jour, permet de construire une scène, au sens le plus fort du terme. Elle établit un espace commun, elle stabilise les rôles de chacun, elle donne un cadre souple à une relation toujours incertaine, qu’il faut sans cesse réinventer.

Comme la ruse, la fiction n’est donc pas une tromperie, même faite dans l’intérêt des aidés, elle est au contraire un moyen de les restaurer en tant que personnes, au-delà de leurs incapacités : traiter en être autonome la personne fragilisée, c’est faire persister ce qui n’est plus tout à fait là. Instaurer une fiction partagée fait ainsi porter en partie par l’aidant à la place de l’aidé l’exigence d’autonomie de ce dernier. Curieuse autonomie, certes, que cette autonomie par procuration, qui doit être supposée et supportée par les autres pour exister. Mais c’est là tout l’enjeu éthique, politique et social de la relation d’aide : l’invention d’une autonomie élargie au collectif.

Pour plus d’information sur ce projet

  • HENNION A., GUICHET F. « Vivre Alzheimer, vivre avec un “Alzheimer” », Gérontologie et Société, n° 128-129, 2009/1, p. 117-128.
  • HENNION A., VIDAL-NAQUET P. « La contrainte est-elle compatible avec le care ? Le cas de l’aide et du soin à domicile », Alter : « Care et handicap », 1ère partie, 2015, p. 207-221.
  • HENNION A., VIDAL-NAQUET P. « “Enfermer Maman !” Épreuves et arrangements : le care comme éthique de situation », Sciences sociales et santé, vol. 33/3, septembre 2015, p. 65-90.
  • HENNION A., VIDAL-NAQUET P. « Might Constraint be Compatible with Care?  », Sociology of Health and Illness, vol. 39/5, June 2017.

À propos du laboratoire

Le Centre de sociologie de l’innovation (CSI) – nouvelle fenêtre – est à l’origine de la sociologie de la traduction (ou Actor Network Theory) qui a renouvelé le domaine des Science and Technology Studies. Il s’intéresse au développement et au rôle des sciences et des techniques dans la société.

Trois axes de recherche :

  • la constitution des individus et des collectifs : médiation, attachements et formes d’expérience ;
  • les formats de la démocratie technique : expérimentation sociale, débat public et mobilisations ;
  • la fabrique de l’économie : dispositifs socio-techniques, sciences économiques et de gestion, et performativité.

Les chercheurs sont Antoine Hennion – nouvelle fenêtre – (CSI) et Pierre Vidal-Naquet (nouvelle fenêtre) qui travaille au CERPE à Lyon, rattaché au centre Weber (Lyon 2).

Contact

Antoine Hennion, sociologue
Centre de sociologie de l’innovation – Mines Paris Tech
Courriel : antoine.hennion@mines-paristech.fr

Référence du projet n° 072
Appel à projets 2009 – Mesure de la qualité de l’aide au domicile (DREES-Ministère des Affaires sociales et de la Santé)
Titre : Le handicap comme collectif en action (A. Hennion).

Documents à télécharger

Fiche de résultat de recherche : L’aide à domicile ou comment concilier aide et autonomie (PDF, 208.89 Ko)
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