Interroger les conditions d’une inclusion réussie

L’objectif de cette recherche soutenue par la CNSA était d’étudier la construction et l’évolution des relations entre enfants âgés de moins de six ans lorsque l’un d’eux est en situation de handicap, et notamment d’étudier les facteurs qui peuvent favoriser ou entraver la construction de ces relations.

32 enfants en situation de handicap âgés de 2 à 4 ans pris en charge par une structure médico-sociale ont été observés à deux reprises, à douze mois d’intervalle, dans leurs interactions avec leurs pairs, en famille, en inclusion et sur le lieu de soin. Onze de ces enfants sont en situation de handicap moteur et intellectuel, huit en situation de handicap moteur, huit en situation de handicap intellectuel et cinq ont un polyhandicap. Des entretiens ont ensuite été menés auprès des parents et des professionnels participant à l’étude.

Sur la base d’une revue de la littérature internationale, les auteurs montrent que leurs travaux confortent les résultats d’autres recherches et permettent également d’apporter un éclairage nouveau sur la construction et l’évolution des interactions entre pairs, par exemple :

• les caractéristiques spécifiques du groupe de pairs (environnement matériel et humain, taille, nature des activités...) influencent la façon dont l’enfant s’y sent en sécurité et développe sa capacité à investir les interactions avec ses pairs. Par exemple, les auteurs observent des interactions avec les pairs plus nombreuses en petit groupe en milieu spécialisé ;
• le rôle essentiel des relations entre pairs au sein de la famille (fratrie, cousins) dans l’acquisition des compétences sociales à mobiliser dans les lieux d’inclusion ;
• dénombrer et qualifier les interactions ne dit rien du caractère électif de ces dernières. L’enfant en situation de handicap peut être « choisi » plus qu’il ne choisit lui-même ; être capable de refuser une interaction ou de lui en préférer une autre est un signe de progrès dans l’acquisition des compétences relationnelles ;
• l’importance pour l’adulte de bien connaître l’enfant et son parcours pour adopter la bonne distance et l’accompagner au mieux dans un processus d’autonomisation indispensable à la création d’interactions avec ses pairs. En effet, l’enfant doit pouvoir prendre de la distance par rapport à l’adulte (nécessaire dans un premier temps pour le sentiment de sécurité qu’il lui offre) pour s’ouvrir à ses pairs ;
• considérer les caractéristiques propres de l’enfant susceptibles d’influencer sa capacité à créer des liens avec ses pairs : sa personnalité, ses difficultés en lien avec son handicap et son développement psychoaffectif ;
• l’importance de prendre en compte le temps long que prend ce processus comme facteur de sécurisation de l’enfant et du développement des interactions. Les observations montrent que souvent, l’enfant est d’abord indifférent au groupe puis l’observe, mais reste à distance avant d’entrer dans le groupe sur un temps court, avec des allers-retours, sans y participer et finalement finit par participer aux activités du groupe, d’abord en ignorant les enfants puis en prenant en compte certains d’entre eux. Les observations montrent l’importance des enfants « familiers » comme médiateurs pour favoriser ce processus et les interactions entre enfants.

Pour plus d’information sur ce projet

• Dayan C., Carmo-Huerta V., Joselin L., et al. « Jeunes enfants en situation de handicap et relations aux pairs : une revue de littérature ». In Zaouche-Gaudron (Dir) Espace de socialisation extrafamiliale, Érès, 2021, p. 209-220.
• Ferreira M., Aguiar C., Correia N., et al. « Social Experiences of Children With Disabilities in Inclusive Portuguese Preschool Settings ». Journal of Early Intervention, 39(1), 2017, p. 33-50.
• Guralnick M. J., Hammond M. A., Connor R. T., et al. « Stability, change, and correlates of the peer relationships of young children with mild developmental delays », Child Development, 77(2), 2006, p. 312-324.
• Odom S. L., Diamond K. E. « Inclusion of young children with special needs in early childhood education : The research base ». Early Childhood Research Quarterly, 13(1), 1998, p. 3-25.

À propos du consortium

L’équipe d’accueil Clinique, psychanalyse, développement (CLIPSYD – EA 4430) a coordonné la réalisation de cette recherche conduite en partenariat avec des familles, des institutions, des professionnels de terrain et des chercheurs rassemblés au sein d’un consortium élargi réunissant :

• le laboratoire interdisciplinaire solidarités, sociétés, territoires (LISST - UMR 5193) ;
• le Groupe de recherche sur le handicap, l’accessibilité, les pratiques éducatives et scolaires (GRHAPES) ;
• l'équipe d’accueil Psychologie clinique, psychopathologie, psychanalyse » (PCPP – EA 4056) ;
• Trisomie 21 France ;
• le Comité d’étude, d’éducation et de soins auprès des personnes polyhandicapées ;
• l’Association nationale des équipes contribuant à l’action médico-sociale précoce.

Contacts

Régine Scelles
Professeure des universités en psychologie clinique – université Paris Nanterre
Laboratoire CLIPSYD – EA 4430
Contact : scelles@free.fr

Clémence Dayan
Maitresse de conférences en psychologie clinique – université Paris Nanterre
Laboratoire CLIPSYD – EA 4430
Contact : cdayan@parisnanterre.fr