Construire un modèle de prise en charge pour les enfants les plus lourdement handicapés : l’expérience du CESAP et du CLAPEAHA

Publié le : 30 juin 2017-Mis à jour le : 21 août 2023

Cette recherche s’intéresse à l’histoire et à l’action de deux associations, le Comité d’études, d’éducation, et de soins auprès des personnes polyhandicapées (CESAP) et le Comité de liaison et d’action des parents d’enfants et d’adultes atteints de handicaps associés (CLAPEAHA). Dans les années 60, ces deux associations font connaître le dénuement dans lequel se trouvent les familles de personnes atteintes de plusieurs déficiences, pour qui il n’existe aucune prise en charge autre que le « gardiennage » en hôpital psychiatrique. Partant d’une méthodologie d’enquête plurielle (enquête ethnographique, par entretien, et documentaire), les chercheurs montrent que, face à ce même constat, deux modèles de prise en charge vont être proposés.

Créé en 1964 à l’initiative de trois femmes (dont le Dr Élisabeth Zucman), le CESAP se donne pour objectif « l’étude et le soin des enfants arriérés profonds de la région parisienne » selon les termes utilisés à l’époque. Il s’agit de résoudre les problèmes liés à l’organisation des politiques de prise en charge, qui laisse de côté les enfants les plus lourdement handicapés, en articulant soin, recherche et formation, ceci sur un territoire circonscrit, celui de l’Île-de-France. Ainsi le CESAP développe dans les années 1960 un « ensemble médico-social ». Celui-ci combine des « consultations spécialisées et pluridisciplinaires hospitalières » complétées par des « services de suite » qui proposent différents types d’aide aux familles (aide éducative à domicile, halte-garderie, séjours d’été, placement familial…). Il ouvre également ses premiers établissements accueillant un public hétérogène, composé de personnes presque toutes porteuses de plusieurs déficiences intriquées, d’où l’usage du terme polyhandicap dès la fin des années 1960. Sur la base de ce constat étayé par les travaux de recherche conduits en son sein, le CESAP développe une offre de prise en charge spécialisée qui ne renvoie pas à un type de déficiences, mais à un type de prise en charge pensée autour d’une vision large du soin, articulant dimensions médicale et sociale.

Créé en 1968 à l’initiative de parents d’une enfant atteinte de surdicécité, M. et Mme Faivre, le CLAPEAHA est un comité de liaison rassemblant non pas des parents, mais des associations de parents autour d’une cause collective : rendre visible et faire connaître la question de la prise en charge des personnes atteintes de handicaps associés. Il se centre d’emblée sur la question de la spécificité du soin dont ces personnes ont besoin et de son organisation. Cela repose sur un important travail d’enquête qui poursuit d’abord un objectif de dénombrement puis, au fil du temps, de caractérisation des besoins et de la prise en charge. Le CLAPEAHA insiste sur la spécificité forte de certaines associations de déficiences produisant un handicap spécifique et requérant des formes d’accompagnement singulières. Cette spécificité est alors pensée en termes de rareté. L’accent est mis sur la technicité attendue des expertises professionnelles.

Finalement, ce sont les centres de ressources nationaux handicaps rares qui sont institués par l’État pour mettre en œuvre le type de prise en charge imaginé par le CLAPEAHA (deux enquêtes de terrain dans ces centres sont restituées dans le rapport).

À propos du laboratoire

Le centre de recherche médecine, sciences, santé, santé mentale, société (CERMES3) – nouvelle fenêtre – est un laboratoire multidisciplinaire consacré à l’analyse sociale des transformations des mondes des sciences, de la médecine et de la santé ainsi que leurs rapports à la société. Il réunit des sociologues, des historiens, des anthropologues, des politistes, des économistes, des psychologues et des philosophes répartis au sein de trois axes de recherche :

  • axe 1 – Diversification des pratiques et des lieux du soin. Institutions, trajectoires et enjeux moraux ;
  • axe 2 – Politiques des savoirs. Biomédecine, populations et expertise ;
  • axe 3 – Innovations, marchés et protection sociale.

Myriam Winance, l’une des responsables de l’axe 1, consacre ses recherches à la question du handicap avec pour objectif d’analyser, avec les outils de la sociologie, la manière dont cette notion est définie dans la société à travers les politiques et les dispositifs institutionnels, comme par les pratiques et l’expérience des personnes. C’est en participant à l’expertise collective « Handicaps rares » de l’INSERM qu’elle en est venue à développer ce projet de recherche.

Louis Bertrand, à l’époque post-doctorant au sein du laboratoire, a depuis rejoint le programme Handicap & Sociétés de l’EHESS. Il travaille sur les rapports entre individus et institutions et sur l’étude de la personnalisation des prises en charge institutionnelles.

Contacts

Myriam Winance
Sociologue
Chargée de recherche INSERM
Courriel : myriam.winance@cnrs.fr

Louis Bertrand
Sociologue
Chercheur contractuel au sein du programme Handicap & Sociétés de l’EHESS
Courriel : louis.bertrand@ehess.fr

Référence du projet n° 168
Appel à projets Handicaps rares (2012) – Institut de recherche en santé publique (IReSP)
Titre : Entre logique de places et logique de soins spécialisés. L’évolution du secteur médico-social, dans le champ du handicap, à travers l’usage de deux catégories : « polyhandicap » et « handicap rare ». 1960-2014 (M. Winance & L. Bertrand).

Documents à télécharger

Fiche de résultat de recherche : Construire un modèle de prise en charge pour les enfants les plus lourdement handicapés (PDF, 129.44 Ko)
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