Analyse des déterminants des écosystèmes d’aides des personnes en situation de handicap

Cette recherche a pour objectif d’analyser les écosystèmes d’aides des personnes en situation de handicap moteur, c’est-à-dire l’articulation de l’ensemble des soutiens techniques et humains, entre relation de concurrence, substitution, soutien et complémentarité. Il s’agit notamment de mieux comprendre les critères mobilisés par les personnes dans leur choix d’une configuration d’aide plutôt qu’une autre, critères que les auteurs nous invitent à réinscrire dans le contexte socio-culturel dans lequel évoluent les personnes, ceci pour mieux les comprendre. L’équipe a conduit 86 entretiens au total : 44 auprès de personnes en situation de handicap moteur atteintes de myopathie (dont 18 résidant en institutions), 26 auprès de professionnels et 3 auprès de proches aidants. Le choix d’étudier la myopathie a permis d’interroger le sens de la compensation du handicap lorsque la « normalité » ne peut être atteinte du fait de la trajectoire défavorable de la maladie.

Les auteurs discutent en premier lieu du travail de délimitation et de recomposition par les personnes de ce qui relève de leur sphère d’intimité, travail nécessaire à la mise en place et à l’acceptation d’un nouvel écosystème d’aides et au sentiment d’une intimité préservée. Parce que la maladie évolue, tout comme les modalités de présence des proches aidants, les personnes doivent sans cesse redéfinir ce qui relève de l’intime et avec qui, et dans quelles circonstances, cette intimité peut être partagée, en totalité ou en partie (les auteurs parlent de « distribution » des sphères de l’intime). Finalement, dès lors que ce travail a été réalisé, la question ne porte pas tant sur le choix d’une aide technique contre une aide humaine pour préserver son intimité, que sur l’augmentation du nombre de combinaisons sociotechniques possibles pour s’adapter aux différents contextes, situations, aspirations et contraintes.

Outre la question de l’intimité, un écosystème d’aides doit aussi beaucoup à la configuration familiale dans laquelle il s’inscrit. Dans certaines configurations, les aides techniques et l’aménagement du domicile ont été pensés pour faciliter le travail des aides humaines, là où d’autres configurations sont pensées pour que la personne puisse agir en autonomie, c’est-à-dire être en mesure de choisir les interdépendances dans lesquelles elle évolue. Autrement dit, se pose la question de l’institutionnalisation du domicile : le fait de vivre à domicile ne dit rien de l’autonomie acquise.

Poursuivant l’analyse, l’équipe de recherche montre que l’articulation des aides humaines et des aides techniques au sein de l’écosystème d’aides se comprend également en lien avec les parcours de vie, les moments charnières liés à la maladie, le cycle de vie, les travaux d’apprentissage et de gestion de ces aides par les personnes… Par exemple, les évolutions d’une action publique qui privilégie désormais le maintien à domicile ont modifié la manière dont les personnes en situation de handicap s’approprient les différentes modalités d’aides pour conduire leur vie au quotidien ; ce qui apparaît évident pour les générations actuelles – prise en charge par l’État des aides, existence de nombreuses aides techniques – l’est beaucoup moins pour les générations plus anciennes qui pourront ne pas réaliser les mêmes types d’arbitrages.

À propos du laboratoire

Les chercheurs du laboratoire interdisciplinaire solidarités, sociétés, territoires (LISST) ont pour ambition de contribuer à la compréhension des dynamiques des sociétés contemporaines. Ils s’intéressent aux :
solidarités : sous toutes leurs formes, qu’il s’agisse d’agencements spontanés ou de dispositifs publics;
sociétés : globalisation, innovation, fragmentation, diversité des mondes sociaux et économiques, recompositions des inégalités;
territoires : considérés non pas comme une simple « surface » de déploiement, mais comme une composante des dynamiques sociales.
Pour en savoir plus, consulter le site internet du LISST.

Contact

François Sicot
Professeur en sociologie de la santé
Membre du LISST
Contact :  francois.sicot@univ-tlse2.fr